Amicalement vôtre

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Chère Mademoiselle,

Il m’était impossible de ne pas prendre ma plume pour vous dire à quel point mes pensées se tournent fréquemment vers vous depuis que nous nous sommes quittés. Ce fut un honneur et une joie que de vous tenir à mon bras, ces quelques heures durant.

Votre fraîcheur, tant de teint que d’esprit, votre gaieté teintée à l’occasion d’un recul que d’aucuns nommerait cynisme et que j’appelle, moi, clairvoyance, ont réussi à dompter ma misanthropie avec une facilité qui ne laisse de m’étonner. Et de me réjouir.

Car, je me réjouis, oui, moi, le vieil animal fatigué, je me réjouis et je me sens réchauffé et ragaillardi de votre lumière.

La tendresse de la peau de votre cou, la candeur amusée dans vos grands yeux de jeune fille, la profondeur de votre gorge, votre voix de chardonneret et vos timidités qui ne sont que bonne éducation : tout en vous est adorable. Tout en vous réveille en moi des choses depuis longtemps enfouies.

J’ai vu trembler vos lèvres quand vous me regardiez trop longtemps. J’ai vu vibrer vos longs cils et rosir vos joues. J’ai presque vu votre cœur battre plus fort qu’il ne l’aurait voulu.

J’ai vu, j’ose le croire, ce que vous n’osiez vous avouer et qu’il aurait été inconvenant de me dire.

Tout cela est profondément bouleversant.

Mais n’est plus, hélas, de mon âge.

Aussi, je souhaite ici vous faire une proposition quelque peu singulière.

Même si vos parents visent ma fortune et souhaiteraient voir nos épousailles, même si je serais pour vous un bon parti, même si vous seriez pour moi une délicieuse friandise et une épouse dévouée, laissons là ces viles tractations et ces jeux de dupes désabusés. Quand bien même ma verve et mon argent vous satisferaient un temps, qu’elle serait triste cette énième histoire du barbon et de la jouvencelle !

Vous me voyez puissant, je ne suis qu’usé et rusé.

Vous me voyez attirant, je n’ai que des ombres et des restes à donner.

Vous n’êtes plus une enfant, quoi qu’en pensent vos géniteurs, et ce que j’ai vu dans vos yeux brûlait de mille promesses aveuglantes. Il serait trop idiot, ma tendre amie, que vous vous amourachiez du vieux cœur que je deviens et que vous perdiez votre temps et votre vertu à tenter de me faire redevenir plus vif et plus gaillard que je ne le suis.

J’ai une proposition, écrivais-je plus haut, à vous faire.

Ne jouons pas le grand jeu – dirais-je la comédie ? – de l’amour !

Ne laissez pas s’emballer votre cœur et je ne forcerai pas le mien à battre plus vite qu’il en est vraiment capable. Quel dommage ce serait que mon desir de vous m’emmène à vouloir vous conquérir, vous posséder, à arpenter vos vingts ans en vainqueur et en propriétaire.

Cela me serait facile – ne froncez pas vos jolis yeux – je le sais. Je connais des secrets par lesquels j’emberlificoterais votre cœur d’hirondelle. Au moins un temps. Assez pour me repaitre de votre vertu et me faire un collier de toutes vos timidités vaincues.

Il y a peu de temps encore, j’aurais parcouru ce chemin avec délectation. Et tant pis pour le gris que cela aurait laissé dans vos prunelles effarouchées. Vous ne m’auriez pas guéri, bien sûr, mais je vous aurai laissé le croire et vous noyer à force de me donner pour croire réparer.

Je ne veux plus aujourd’hui de ces relations dont on sort écœurés. D’avoir trop pris. Ou trop donné.

D’avoir joué pour soi. D’avoir poursuivi son plaisir à s’essouffler le cœur et l’âme.

Soyons amis, ma mie !

Je vous apprendrai mes secrets en échange de quelques sourires.

Nos caresses ne seront jamais des joutes. Mais tendres. Mais sincères.

Il ne sera jamais question de passion ou de jalousie. Je ferai de votre corps non une étoffe à froisser sous mes gestes hâtifs mais un temple dédié à la volupté.

Je vous apprendrai non à donner pour le plaisir d’un homme aimé, mais à apprendre les recoins de votre corps pour votre propre joie. Non à satisfaire mais à être satisfaite.

Je murmurerai dans votre oreille des mots qui vous feront rougir et mettront un feu d’artifice dans votre ventre. Je dénouerai vos complexes et exalterait vos beautés.

Vous vous croyez douce, je vous sais violente.

Vous vous croyez rivière cristalline, je vous sais volcan.

Je vous apprendrai à vous baigner dans la lave et à danser sur les cratères.

Il y a en vous des éclairs qui ne trompent pas. Je saurais tailler votre diamant brut pour que ses facettes éclairent le monde et les hommes.

Ne parlons pas d’amour. D’autres viendront pour vous qui le feront bien mieux que moi.

Ne parlons pas d’amour. J’y ai renoncé depuis trop longtemps pour laisser reprendre le feu que j’ai si soigneusement étouffé.

Parlons de volupté, parlons de plaisir et de partage. Parlons de territoires inconnus et de frissons ininterrompus. Parlons d’une relation qui vous fera plus femme et me fera meilleur.

J’ai trop pris sans jamais rendre. Vos yeux de biche et votre taille faite au tour, c’est mon ultime chance de me racheter. Je guiderai vos pas vers des jouissances que vous ne soupçonnez pas.

Croyez, très chère, en mon ardent désir de voir une belle et profonde relation naître entre nous,

Amicalement vôtre,

Votre dévoué.

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